lundi 2 juin 2014

#challenge AZ - B comme Belgicité



            Bien qu'il n'ait pas les honneurs du dictionnaire comme le mot "belgitude", la "belgicité" me semble davantage propre à définir cette part de Belgique qui sommeille dans un coin de notre identité familiale. D'ailleurs j'ai tout de même des références littéraires de poids puisqu'Amélie Nothomb utilise ce terme au sens que je viens de définir.  

            La question est donc : quel pourcentage de belgicité avons-nous dans la famille ? je ne saurais dire. Mais une certitude, nous sommes bien un peu belges, et de plusieurs manières.
Les frontières, c'est fait pour être franchi…et allègrement, et plusieurs fois par an. Elles le furent pendant trois générations, au moins malgré les douanes, les guerres, les annexions, occupations en tout genre.
Entre la Lorraine tantôt française tantôt allemande et les provinces belges de Liège, de Hainaut et de Luxembourg, mon cœur balance. 

·                   1. Tout a commencé en 1868 lorsque l'usine de Wendel envoya mon arrière-grand-père Charles Schiltz, natif de Hayange (alors en France) s'occuper de la création d'une ligne de chemin de fer entre la province de Liège et la Lorraine sidérurgique. Ses trois enfants sont nés en 1870, 72 et 74, à Seraing, dans la banlieue de Liège… Oui, évidemment les jeux de mots sont faciles.
            Lorsqu'en 1882, la petite famille s'en retourna vers la Lorraine, entre temps annexée par   les Allemands, Charles et son épouse optèrent pour la nationalité française, mais leurs enfants gardèrent la nationalité belge acquise par leur naissance.
           
·                     2.  Mon grand père Charles-Alexandre Schiltz, c'était un peu "Français ne puis, Allemand ne daigne, Belge suis".
    *  Il était né à Seraing près de Liège, mais fut baptisé quinze jours plus tard à Moyeuvre en Lorraine annexée.
    * Il habitait Hayange (alors dans l'Empire allemand) avec sa famille, mais fit ses études secondaires en Lorraine française, à Juvigny-sur-Loison, un petit bled de la Meuse près de Montmédy.
     * À vingt ans il se fit recenser au Conseil de Milice de l'arrondissement de Liège, et tira un bon numéro selon toute vraisemblance, car  il intégra aussitôt l'Ecole des Mines de Mons en Belgique. Le voilà dispensé du service militaire dans l'armée de l'Empire.
     * Une fois ses études terminées il se maria à Hayange, donnant la nationalité belge à Jeanne son épouse.
      * Malheureusement sa nationalité belge lui joua un mauvais tour pendant la guerre de 14-18. Soupçonné de connivence avec une puissance ennemie, la Belgique, il fut envoyé dans un camp de prisonniers civils en Bavière. Ce n'est qu'après la Grande Guerre qu'il demanda la nationalité française.

·                    3.  Mon père Louis, né à Hayange après l'armistice de 1918 fut sans doute considéré comme français, sans plus d'interrogation. Comme ses deux frères avant lui, il passa toute sa scolarité secondaire au Pensionnat des Frères des Ecoles Chrétiennes à Hachy, près de Arlon en Belgique. Puis entra en classe préparatoire à "l'Ecole Catholique des Arts et Métiers" d'Erquelines… En Belgique toujours.    

            Quelques décennies plus tard lorsque je voulus m'inscrire au CAPES il me fallut produire le certificat de nationalité française de mes parents. Problème. Mon père n'avait ni certificat de réintégration ni de naturalisation …
-  "Ah, mais vous croyez qu'on m'a demandé tout ça quand on m'a envoyé moisir dans la Ligne Maginot en 39 ?" lança-t-il à l'employée en brandissant son livret militaire… 
Cela dut impressionner l'administration, car la petite croix fut dessinée dans la case Nationalité Française, sans autre forme de procès, et je pus passer mon examen.
           Sa sœur Gabrielle apprit quant à elle vers l'âge de 60-65 ans qu'elle était …apatride. Ça l'a beaucoup fait rire. Belge ? Française ? ou même Allemande ? Qu'est-ce que ça change ?  

Epilogue
            Quand j'ai cherché des ancêtres lorrains, j'ai été contactée par un lointain cousin qui avait déjà fait des recherches sur la famille Denis. Quelle ne fut pas ma surprise, et presque mon incrédulité en voyant que notre Sosa n°456 venait de Hachy, ce même patelin du Luxembourg belge où mon père, ses frères et ses cousins avaient passé leur jeunesse. Lui qui se moquait - gentiment - de Hachy, aux rues pavées de bouses, et qui comptait plus de vaches que d'habitants. Voilà que c'était finalement le pays de ses ancêtres !

Et pouis nous autres nous ne savons pas prononcer autrement que Brussel, et non Bruxelles comme les Parisiens.

1 commentaire:

  1. Merci et bravo pour ce bel article. Quel parcours !
    Cet article m'a d'autant plus intéressée qu'un grand nombre de mes ancêtres viennent de ces régions (Lorraine et province du Luxembourg en Belgique), mais tous ont évité ces changements de frontière récents.
    Elise

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