Bien qu'il
n'ait pas les honneurs du dictionnaire comme le mot "belgitude", la "belgicité"
me semble davantage propre à définir cette part de Belgique qui sommeille dans
un coin de notre identité familiale. D'ailleurs j'ai tout de même des
références littéraires de poids puisqu'Amélie Nothomb utilise ce terme au sens
que je viens de définir.
La question
est donc : quel pourcentage de belgicité avons-nous dans la famille ? je ne
saurais dire. Mais une certitude, nous sommes bien un peu belges, et de
plusieurs manières.
Les frontières, c'est fait pour être franchi…et allègrement,
et plusieurs fois par an. Elles le furent pendant trois générations, au moins malgré
les douanes, les guerres, les annexions, occupations en tout genre.
Entre la Lorraine tantôt française tantôt allemande et les
provinces belges de Liège, de Hainaut et de Luxembourg, mon cœur balance.
· 1. Tout a commencé en 1868 lorsque l'usine de
Wendel envoya mon arrière-grand-père Charles
Schiltz, natif de Hayange (alors en France) s'occuper de la création d'une
ligne de chemin de fer entre la province de Liège et la Lorraine sidérurgique.
Ses trois enfants sont nés en 1870, 72 et 74, à Seraing, dans la banlieue de Liège… Oui, évidemment les
jeux de mots sont faciles.
Lorsqu'en
1882, la petite famille s'en retourna vers la Lorraine, entre temps annexée par
les Allemands, Charles et son épouse
optèrent pour la nationalité française, mais
leurs enfants gardèrent la
nationalité belge acquise par leur naissance.
· 2.
Mon grand père Charles-Alexandre Schiltz, c'était un peu "Français ne puis, Allemand ne daigne, Belge suis".
* Il était né à Seraing près
de Liège, mais fut baptisé quinze jours plus tard à Moyeuvre en Lorraine
annexée.
*
Il habitait Hayange (alors dans l'Empire allemand) avec sa famille, mais
fit ses études secondaires en Lorraine française, à Juvigny-sur-Loison,
un petit bled de la Meuse près de Montmédy.
* À vingt ans il se fit recenser au Conseil de Milice de
l'arrondissement de Liège, et tira un bon numéro selon toute
vraisemblance, car il intégra aussitôt l'Ecole
des Mines de Mons en Belgique. Le voilà dispensé du service militaire dans
l'armée de l'Empire.
*
Une fois ses études terminées il se maria à Hayange, donnant la nationalité
belge à Jeanne son épouse.
* Malheureusement sa nationalité belge
lui joua un mauvais tour pendant la guerre de 14-18.
Soupçonné de connivence avec une puissance ennemie, la Belgique, il fut envoyé
dans un camp de prisonniers civils en
Bavière. Ce n'est qu'après la Grande Guerre qu'il demanda la nationalité française.
· 3.
Mon père Louis, né à Hayange après
l'armistice de 1918 fut sans doute considéré comme français, sans plus
d'interrogation. Comme ses deux frères avant lui, il passa toute sa scolarité
secondaire au Pensionnat des Frères des Ecoles Chrétiennes à Hachy, près de
Arlon en Belgique. Puis entra en classe préparatoire à "l'Ecole Catholique
des Arts et Métiers" d'Erquelines… En Belgique toujours.
Quelques
décennies plus tard lorsque je voulus m'inscrire au CAPES il me fallut produire le certificat de nationalité
française de mes parents. Problème. Mon père n'avait ni certificat de réintégration ni de naturalisation …
- "Ah, mais vous croyez qu'on m'a demandé tout ça quand on m'a envoyé moisir dans la Ligne Maginot en 39 ?" lança-t-il à l'employée en brandissant son livret militaire…
Cela dut impressionner l'administration, car la petite croix fut dessinée dans la case Nationalité Française, sans autre forme de procès, et je pus passer mon examen.
- "Ah, mais vous croyez qu'on m'a demandé tout ça quand on m'a envoyé moisir dans la Ligne Maginot en 39 ?" lança-t-il à l'employée en brandissant son livret militaire…
Cela dut impressionner l'administration, car la petite croix fut dessinée dans la case Nationalité Française, sans autre forme de procès, et je pus passer mon examen.
Sa sœur
Gabrielle apprit quant à elle vers l'âge de 60-65 ans qu'elle était …apatride.
Ça l'a beaucoup fait rire. Belge
? Française ? ou même Allemande ? Qu'est-ce que ça change ?
Epilogue
Quand j'ai
cherché des ancêtres lorrains, j'ai été contactée par un lointain cousin qui
avait déjà fait des recherches sur la famille Denis. Quelle ne fut pas ma
surprise, et presque mon incrédulité en voyant que notre Sosa n°456 venait de
Hachy, ce même patelin du Luxembourg belge où mon père, ses frères et ses
cousins avaient passé leur jeunesse. Lui qui se moquait - gentiment - de Hachy,
aux rues pavées de bouses, et qui comptait plus de vaches que d'habitants.
Voilà que c'était finalement le pays de ses ancêtres !
Et pouis nous autres nous ne savons pas prononcer autrement que Brussel, et non Bruxelles comme les Parisiens.
Et pouis nous autres nous ne savons pas prononcer autrement que Brussel, et non Bruxelles comme les Parisiens.
Merci et bravo pour ce bel article. Quel parcours !
RépondreSupprimerCet article m'a d'autant plus intéressée qu'un grand nombre de mes ancêtres viennent de ces régions (Lorraine et province du Luxembourg en Belgique), mais tous ont évité ces changements de frontière récents.
Elise