1. Cicé avant 1860
Le château de Cicé est un lieu de mémoire de notre famille
bretonne. Il était situé sur la commune de Bruz en Ille-et-Vilaine, à une dizaine
de km au sud-ouest de Rennes.
D'après J. Bertonneau "le Pays de Bruz au cœur de la tourmente révolutionnaire", nous
savons que Cicé était une vieille seigneurie médiévale érigée en baronnie au
XVIe siècle pour la famille Champion de Cicé qui s'est rendue célèbre au temps
de la Révolution avec Jérôme Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux élu
député du Clergé aux Etats Généraux, puis en tant que patriote nommé garde des
sceaux par Louis XVI. Il ne se révéla guère à la hauteur et démissionna en 1791.
Une rue de Bordeaux portait son nom dans l'ancien quartier Mériadec.
Ma grand-mère nous racontait qu'Adélaïde, une autre Champion
de Cicé fondatrice de l'ordre des Filles du Sacré-Cœur de Marie était morte "en
odeur de sainteté" ! L'odeur de sainteté
? J'imaginais ça comme une odeur d'église le jour de Pâques, à base de cierges
brûlés, d'encens et de brassées de fleurs...
Les bois de Cicé devinrent le refuge de bandes de Chouans pendant
la Terreur tandis que le château, passé à la famille de la Bourdonnaye fut abandonné
par ses propriétaires. Mais si le château restait vide, la ferme attenante,
appelée Ferme du Portail fut exploitée par la famille Simonneaux depuis 1860.
2. Pierre Louis Simonneaux et sa femme Julie Gorieux étaient
venus de Servon-sur-Vilaine avec quatre jeunes enfants, dont mon
arrière-grand-père. Trois autres enfant naquirent à Cicé.
En 1878, après la mort de son mari, la "Mère
Julie" obtint des propriétaires le droit de continuer l'exploitation avec
ses fils.
C'était une femme admirable disait ma grand-mère Anne-Marie
Simonneaux en parlant de la Mère Julie sa grand-mère, qui l'avait élevée
jusqu'à l'âge de 9 ans. Il faisait bon vivre à Cicé se souvenait-elle. Le travail
était dur, mais on mangeait bien. Il y avait autour de la table les jeunes
oncles encore célibataires, Tonton Zidore par exemple, le plus jeune, et
plusieurs domestiques, ainsi que souvent les oncles mariés qui venaient voir
leur mère avec leurs enfants.
Les propriétaires venaient leur rendre visite de temps en
temps. La Mère Julie leur parlait avec le plus grand respect. Ils étaient très
aimables, et terminaient toujours leurs recommandations par :
- "Et surtout ne buvez pas de café !
- Oh dame non, not'Maîtresse…
Alors qu'ils en buvaient quotidiennement. Etrange injonction,
comme si le café présentait quelque danger ! La goutte, oui (c'est breton, ça
!) mais le café, non !… Comprenne qui pourra.
Son père et ses oncles allaient parfois rôder par curiosité
dans le château qui tombait en ruine. On prétendait bien sûr qu'il y avait un
trésor et qu'un souterrain permettait de le relier à la campagne voisine. Mais
l'exploration du souterrain avait tourné court après qu'un courant d'air eût
soufflé les bougies des aventuriers. On n'avait pas encore inventé la lampe
frontale.
Les ruines du château avant l'écroulement de 1911 |
On racontait aussi que le château et une partie des communs
étaient "hantés" par de mauvais esprits. Certains soirs, alors que
les femmes ravaudaient ou tricotaient, éclairées par l'âtre et la chandelle, on
entendait des bruits étranges, comme si quelqu'un tantôt lançait des pierres
sur le toit, tantôt venait ramasser le blé dans le grenier. Les hommes se
précipitaient, les femmes récitaient leur chapelet, mais on ne vit jamais les
"revenants".
Ma grand-mère se souvenait qu'un soir de tempête, en
décembre 1911 le château s'écroula dans un fracas épouvantable. Le même bruit que pendant les bombardements pendant la guerre.
Aux alentours de la ferme du Portail aujourd'hui il ne
subsiste du château que l'escalier à double volée menant au jardin (au premier plan à droite sur la carte postale) et un bout de mur couvert
de lierre.
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