La gare de Chambésy, près de Genève. |
La Suisse, ses montagnes, son gruyère, son chocolat, ses banques et ses
exilés fiscaux… Mais aussi patrie de la Croix-Rouge. C'est ce dernier point que
j'évoque, en cette année du centenaire de la guerre de 1914.
Fondé par quelques citoyens suisses, dont Henri Dunant à la suite de la bataille de Solferino en 1863, prix Nobel de la Paix en 1901, le Comité International de la Croix Rouge dut agir à une grande échelle dès 1914.
Qu'en savaient mes grands parents avant cette date ? sans doute pas grand-chose. Jamais ils n'auraient imaginé qu'ils auraient l'un et l'autre l'occasion de faire appel aux services du CICR pour avoir des nouvelles ou pour trouver un refuge. Mais avant de parler du sort de mes grands parent, j'ouvre une parenthèse pour citer Stefan Zweig qui, dans son livre le Monde d'hier parle de Romain Rolland et de la Croix-Rouge :
"Il [R. Rolland] avait trouvé le seul bon chemin que l'écrivain eût à prendre personnellement dans une époque pareille : ne pas participer à la destruction, au meurtre, mais (...) s'engager activement dans des oeuvres de secours et d'humanité. Vivant en Suisse, il s'était immédiatement mis à la disposition de la Croix Rouge à Genève, et il travaillait là tous les jours dans des salles bondées, pour l'oeuvre merveilleuse à la quelle je tentai plus tard d'exprimer ma reconnaissance publique (...).
Après les combats meurtriers des premières semaines, toute communication était rompue (...). La Croix-Rouge avait alors assumé la tâche, au milieu de l'horreur et de la cruauté de décharger au moins les hommes de la pire des souffrances, de la torturante incertitude sur le sort d'êtres aimés, en faisant parvenir dans leur patrie les lettres des prisonniers de guerre. Cette organisation, préparée depuis des dizaines d'années n'avait cependant pas prévu une tâche d'une telle ampleur, intéressant des millions d'hommes. De jour en jour, d'heure en heure, il fallait augmenter le nombre des collaborateurs bénévoles (...). A la fin de décembre 1914, déjà, c'étaient trente mille lettres qui affluaient quotidiennement. Bientôt douze cents personnes s'entassèrent dans l'exigu musée Rath, à Genève pour expédier la correspondance journalière, pour y répondre. Et parmi elles travaillait, au lieu de s'occuper égoïstement de son oeuvre personnelle, le plus humain des écrivains, Romain Rolland."
Fondé par quelques citoyens suisses, dont Henri Dunant à la suite de la bataille de Solferino en 1863, prix Nobel de la Paix en 1901, le Comité International de la Croix Rouge dut agir à une grande échelle dès 1914.
Qu'en savaient mes grands parents avant cette date ? sans doute pas grand-chose. Jamais ils n'auraient imaginé qu'ils auraient l'un et l'autre l'occasion de faire appel aux services du CICR pour avoir des nouvelles ou pour trouver un refuge. Mais avant de parler du sort de mes grands parent, j'ouvre une parenthèse pour citer Stefan Zweig qui, dans son livre le Monde d'hier parle de Romain Rolland et de la Croix-Rouge :
"Il [R. Rolland] avait trouvé le seul bon chemin que l'écrivain eût à prendre personnellement dans une époque pareille : ne pas participer à la destruction, au meurtre, mais (...) s'engager activement dans des oeuvres de secours et d'humanité. Vivant en Suisse, il s'était immédiatement mis à la disposition de la Croix Rouge à Genève, et il travaillait là tous les jours dans des salles bondées, pour l'oeuvre merveilleuse à la quelle je tentai plus tard d'exprimer ma reconnaissance publique (...).
Après les combats meurtriers des premières semaines, toute communication était rompue (...). La Croix-Rouge avait alors assumé la tâche, au milieu de l'horreur et de la cruauté de décharger au moins les hommes de la pire des souffrances, de la torturante incertitude sur le sort d'êtres aimés, en faisant parvenir dans leur patrie les lettres des prisonniers de guerre. Cette organisation, préparée depuis des dizaines d'années n'avait cependant pas prévu une tâche d'une telle ampleur, intéressant des millions d'hommes. De jour en jour, d'heure en heure, il fallait augmenter le nombre des collaborateurs bénévoles (...). A la fin de décembre 1914, déjà, c'étaient trente mille lettres qui affluaient quotidiennement. Bientôt douze cents personnes s'entassèrent dans l'exigu musée Rath, à Genève pour expédier la correspondance journalière, pour y répondre. Et parmi elles travaillait, au lieu de s'occuper égoïstement de son oeuvre personnelle, le plus humain des écrivains, Romain Rolland."
- Mon grand père Charles envoyé le 30 août 1914 au camp de
prisonnier d'Ingolstadt (voir article à la lettre I) reçut courrier et colis
grâce à eux pendant les mois de sa détention.
- Ma grand-mère Jeanne, qui avait reçu la nationalité belge
par son mariage, fut expulsée de l'Empire allemand, et donc de sa ville natale
Hayange le 27 novembre ce cette même année. Elle dut partir avec les
deux enfants, Jean âgé de 8 ans et Gabrielle, un bébé de 18 mois, ainsi que
Maria André une jeune bonne de nationalité belge, expulsée elle aussi.
De leurs exils respectifs l'un à Ingolstadt, les autres en Suisse, ils avaient conservé, outre des papiers officiels comme les passeports, un paquet de lettres et de cartes postales, qui durent leur acheminement aux nombreux bénévoles de la Croix-Rouge.
Ma grand mère a-t-elle croisé Romain Rolland durant son séjour près de Genève ? On ne le saura jamais...
De leurs exils respectifs l'un à Ingolstadt, les autres en Suisse, ils avaient conservé, outre des papiers officiels comme les passeports, un paquet de lettres et de cartes postales, qui durent leur acheminement aux nombreux bénévoles de la Croix-Rouge.
Ma grand mère a-t-elle croisé Romain Rolland durant son séjour près de Genève ? On ne le saura jamais...
Jeanne, Gabrielle et Jean |
Premier souvenir de leur exil : une photo bricolée au dos du passeport Hayange-Schaffouse en Suisse, où elle ne fit que passer puisqu'elle trouva refuge à Genève, en attendant de trouver un logement. Aussitôt arrivés tous les quatre ont dû prendre un bain, puis sont passés à la visite médicale et se sont fait vacciner. Propreté et hygiène suisse...
Première carte de Jeanne écrite de Chambésy près de Genève, à son mari prisonnier en Bavière |
Beaucoup de cartes font allusion à la santé des enfants. Il faut dire que le couple avait déjà perdu trois enfants, l'aîné à quelques mois, et deux fillettes âgées de 4 ans. Gaby fut opérée des amygdales pendant leur séjour en Suisse. Voici quelques extraits de sa première lettre datée du 13 décembre 1914
"Nous voici donc à peu près installés. Nous avons eu un peu de mal mais nous sommes très bien rassure-toi. Une grande cuisine, 5 chambres. Nous ne pourrons jamais occuper tout cela, enfin j’ai pris ce que l’on m’avait donné plutôt que de rien avoir. Le bureau d’hospitalisation pour les Belges s’est occupé de nous trouver cet appartement. Je n’ai donc rien à m’occuper pour le paiement.J’ai dû acheter différentes choses en arrivant ici bien que la maison était complètement meublée et la batterie de cuisine aussi, j’ai été obligée de compléter par ce qui était le plus nécessaire. On s’arrangera comme on peut ces temps-ci.
Saint Nicolas a pris notre adresse au bureau d’hospitalisation des Belges. Il a apporté à Jean un jeu de quilles formées de figures, qq petits paquets de chocolat et bonbons et gâteaux. Gaby a eu une poupée en peluche ainsi que des chocolats.
Ces Messieurs et Dames sont très aimables. Ils viennent nous voir de temps en temps et demander si l’on a besoin d’une chose ou l’autre. C’est une belle chose d’avoir organisé ces secours pour les étrangers.
Hier il devait y avoir une grande fête ici, fête de l’escalade de Genève en 1602. La fête n’a pas eu lieu cette année à cause de toutes ces tristes choses qui se passent de tout côté.
Un peu plus tard, le 20 décembre :
Cher Charles. Nous
venons d’assister à une petite séance donnée par le Comité B. [Suisse de secours aux Belges]
Avant de rentrer à la maison, Jean veut te faire savoir
qu’il a eu une belle boîte de couleurs comme lot de Noël. Nous avons passé un
très bon après midi en compagnie de tous les réfugiés. Je te donnerai d’autres
nouvelles demain. Bonsoir. Nous sommes tous en bonne santé.
Jean put aller à l'école primaire de Chambésy, une bonne école, mixte, en avance pour le calcul, mais en retard pour le français racontait ma grand mère.
Carte postale du 30 janvier 1915, pour leur anniversaire de mariage. |
Dans ce courrier conservé, il est surtout question des paquets envoyés, avec la liste de leur contenu, des nouvelles des uns et des autres, de lettres qui mettent parfois des semaines pour arriver, (comme la carte envoyée le 4/12, reçue le 28/1) des difficultés à faire avancer le dossier qui permettra d'abord à Charles de rentrer d'Ingolstadt en avril 1915, puis au reste de la famille de rejoindre Hayange au mois d'août suivant. Tous les réfugiés belges n'eurent pas cette chance, car ils reçurent encore une carte d'un compatriote, posté de Suisse en janvier 1916.
Petites misères en vérité si on les compare aux souffrances des soldats dans les combats de cette guerre atroce. Mais que savaient-ils au juste de la guerre des tranchées à cette époque ? Personne de la famille n'était sur le front. Jeanne fait allusion aux "tristes choses qui se passent de tout côté", c'est tout.
Parmi les papiers conservés se trouvent les listes des réfugiés belges à Genève, dans un article de "la Tribune de Genève", ainsi que le lieu de leur résidence sur un papier du Comité Suisse de secours aux Belges. Si cela intéresse quelqu'un, il peut me contacter.
Le nom "Campagne Perrot" n'existe plus mais le lieu, lui, oui. Il s'agit aujourd'hui du lieu-dit de "Chambésy-Dessus" avec une maison de maître appelée : Maison Perrot.
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