La famille Michon
Il était une fois la famille Michon. La première sur
laquelle j'entrepris des recherches était Marie Françoise, née 38 rue
Mouffetard à Paris, le 9 août 1870. Autrement dit, les fées gentilles avaient
oublié de passer près de son berceau. Car naître à cette date et en ce lieu ne
fut assurément pas un cadeau du ciel. Comme chacun sait, l'année qui suivit fut
pour la France et plus particulièrement pour Paris l'année de tous les malheurs
: le siège de la capitale par les Prussiens durant le terrible hiver 1870-71,
puis l'insurrection de la Commune et sa répression par les troupes du
gouvernement de Versailles. Les Michon étaient de petites gens. Le père était
cordonnier et la mère piqueuse de bottines. Marie Françoise était leur
cinquième enfant. Ils ne purent certainement pas quitter Paris pendant ces
tristes événements, et subirent la faim, le froid et les violences des deux
sièges.
Les parents, le fils aîné, et la petite Marie Françoise au moins, sinon les trois autres enfants dont je n'ai plus trouvé trace, survécurent à ces épreuves. Ce qui est en soi déjà un exploit, mais le plus extraordinaire n'est pas là.
Son père Maurice Léopold Michon ne s'est pas appelé Michon pendant les 28 premières années de sa vie, mais portait un autre patronyme. C'est ce que j'ai découvert en cherchant son acte de naissance en 1838.
Et non pas en raison d'une adoption ni d'une reconnaissance
tardive comme c'est souvent le cas.
D'après son acte de mariage il était né à
Nancy le 24 avril 1838. Or au lieu de l'acte attendu voici ce que j'ai trouvé :
" L'an 1838, le 24
avril à 2 h l'après midi, par devant nous Jacques François Viller, adjoint au
maire de la ville de Nancy, est comparu Maurice
Bonnois, âgé de 24 ans natif de Pierre-Chatel, arrondissement de Grenoble
département de l'Isère, militaire au 15e régiment de ligne en garnison à Nancy,
fils de défunt Maurice Bonnois et de Marie Michon son épouse, lequel nous a
déclaré que aujourd'hui à 7 heures du matin Jeanne Jardin âgée de 19 ans native de Xeuilley département de la
Meurthe, brodeuse demeurant en cette ville de Nancy rue de la Source n° 12
fille de défunt Nicolas Jardin et de Marguerite Pierron, son épouse ; est
accouchée en son domicile d'un enfant de sexe masculin qu'il nous a présenté et
a déclaré provenir de ses œuvres, le reconnaître pour son enfant et lui donner
les prénoms et nom de Maurice Léopold
Bonnois, lesquelles déclaration et présentation faites en présence des
sieurs Jean Julien Guilbaud âgé de 27 ans, boulanger et Louis Clément Bender,
25 ans, journalier, tous deux domiciliés en cette ville ".
Signatures de
Maurice Bonnois, et les témoins.
Mention marginale
:
" Le maire de la ville de Nancy certifie que par jugement du tribunal civil de 1ère instance du second arrondissement de la Meurthe, en date du 25 avril 1866, il a été ordonné que l'acte de naissance ci contre serait rectifié en ce sens qu'aux nom et prénom de Bonnois (Maurice) seraient substitués ceux de Michon Pierre ".
" Le maire de la ville de Nancy certifie que par jugement du tribunal civil de 1ère instance du second arrondissement de la Meurthe, en date du 25 avril 1866, il a été ordonné que l'acte de naissance ci contre serait rectifié en ce sens qu'aux nom et prénom de Bonnois (Maurice) seraient substitués ceux de Michon Pierre ".
Nancy le 4 mai
1866. Signé D Romer, adjoint.
???
Que le sieur Maurice Bonnois, militaire de son état vienne lui-même déclarer une naissance illégitime… cela rendrait le personnage plutôt sympathique, puisque la règle en ces temps misogynes était de laisser la fille-mère se débrouiller seule avec le fruit de son péché. Mais quel imbroglio de noms !
Grâce à Internet je poursuivis mes recherches en Isère pour trouver effectivement la naissance d'un Pierre Michon, fils naturel :
" L'an 1813 le 10 octobre
devant nous...maire de Pierre-Châtel est comparue Madeleine Richard mazet, âgée
de 48 ans domiciliée à Pierre-Châtel, laquelle nous a déclaré que ce jour d'hui
à 10 heures du matin, est né un enfant du sexe masculin qu'elle nous a dit
étant né de Marie Michon, âgée de 25
ans domiciliée à Pierre-Châtel et en la maison d'habitation de Mr Segond, et
vouloir donner le prénom de Pierre. La présente déclaration et présentation
faite en présence de Pierre Berthier basinon âgé de 52 ans propriétaire à Pierre-Châtel
et...
... Maurice Bonnois âgé de 34 ans domicilié à Senigond hameau de cette commune et ont les témoins signé avec moi le présent acte de naissance."
... Maurice Bonnois âgé de 34 ans domicilié à Senigond hameau de cette commune et ont les témoins signé avec moi le présent acte de naissance."
Que penser de
cette histoire ?
Que le jeune
Pierre Michon a usurpé le nom et le prénom de celui qui signa comme témoin son
acte de naissance. Etait-il son père ? Fut-il seulement son parrain ? Rien ne
permet de le dire.
Maurice Bonnois
(le vrai) mourut célibataire à Pierre-Châtel le 26 janvier 1824 à l'âge
de 45 ans.
Qui a imaginé cette substitution de noms ? La mère ? Pour se construire une honorabilité de femme mariée ? Ou le fils, qui a dû souffrir de sa bâtardise. Ce qui expliquerait d'ailleurs son attitude lors de la naissance de son fils en 1838 : reconnaissance de l'enfant pour que celui-ci porte le nom du père mais pas de mariage ni avant ni après, car il aurait fallu produire l'acte de naissance, et donc dévoiler l'usurpation de nom.
Pourtant le pot
aux roses fut bien découvert (voir la mention de mai 1866). Cette date
correspond au mariage de son fils Maurice Léopold.
Mais notre Pierre
Michon (le faux Maurice Bonnois) devait avoir repris son vrai nom bien
avant, car devenu
brocanteur à Paris, il se maria pour de bon cette fois (mais pas trouvé ni lieu
ni date) avec Agnès Fontange dont il eut deux autres fils déclarés sous le nom
de Michon, en 1852 et 1856. Il mourut en 1877.
Quant à la pauvre Jeanne Jardin sa première compagne, elle mourut à Paris en 1846. Elle n'avait que 30 ans. Mais l'état civil reconstitué de Paris est bien sommaire. L'arrondissement n'est même pas mentionné.
Conclusion : La prochaine fois
que je me rendrai à Nancy, j'irai fouiller dans les registres du tribunal civil
de la Meurthe. Peut être en saurai-je davantage. Mais la clé se trouve peut
être en Isère, chez un notaire du côté de Pierre-Châtel ?
Pour vous aider voici un tableau simplifié de la branche Michon (Bonnois)
Pour vous aider voici un tableau simplifié de la branche Michon (Bonnois)
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