La famille Jamais compte cinq officiers, mais seul Eugène est parvenu au grade de général.
Il était l'arrière grand oncle de mon mari Yves Jamais.
Une jeunesse messine
Il est né à Metz en 1831 place d'Austerlitz (place Saint-Jacques actuelle). Son père Jean François avait fait fortune dans la charcuterie, sa mère Marie Thérèse Riché descendait d'une lignée de vignerons de la Marne.
Comme tous les garçons de la bourgeoisie depuis le premier empire, il avait fait ses études secondaires au lycée de la ville. Nous étions sous la Monarchie de Juillet, la légende napoléonienne se répandait et s'amplifiait, les militaires étaient nombreux parmi la bourgeoisie et les notables de Metz, importante ville de garnison : Deux bonnes raisons pour qu'un fils de charcutier embrasse la carrière militaire. Comme son frère aîné François Alfred, Eugène passa le concours de l'Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr en 1848, et en sortit deux ans plus tard en qualité de sous-lieutenant au 7ème régiment d'Infanterie légère.
L'Algérie, la Crimée et encore l'Algérie
En 1852, au début du second Empire, il partit pour une campagne en Algérie. A l'exception de la Kabylie encore rebelle, le temps était à la pacification et à l'ouverture de routes pour faciliter l'implantation des premiers colons, tâches pour lesquelles l'armée était sollicitée.
"L'Empire c'est la paix" avait dit Napoléon III lors de son passage à Bordeaux, pourtant le 28 mars 1854, s'étant réconcilié avec les Anglais, il fit partir ses troupes pour défendre l'Empire Ottoman contre les Russes. La bordure Nord de la Mer Noire (dont la Crimée) était déjà tombée aux mains du Tsar, ce qui fit craindre aux Français et Anglais une vassalisation de l'Empire Ottoman.
Crimée... Russie...Etrangement, ces événements semblent faire écho à ceux du printemps 2014.
En septembre 1854 les troupes franco-britanniques débarquèrent en Crimée où leur fallut d'abord affronter l'armée du Tsar au Pont de l'Alma, puis assiéger la ville de Sébastopol dont les Russes avaient fait un puissant arsenal. Malgré le nombre des assiégeants (100 000 hommes) le siège dura un an. Le choléra, le typhus, les rigueurs de l'hiver, les lenteurs du ravitaillement, le feu des assiégés, tout cela fit que le nombre de blessés et de tués fut considérable du côté des alliés franco-britanniques.
C'est au cours d'un des combats du printemps 1855 qu'Eugène Jamais fut grièvement blessé au visage et perdit un oeil.
Eugène Jamais en 1864 |
Je ne sais ce qu'il fit pendant les années qui suivirent, mais on le retrouve en Algérie entre 1864 et 1867. A cette époque les militaires, et non plus les colons, avaient reçu de l'empereur Napoléon III le droit de mettre en valeur le pays. C'est ce qui explique la présence du 82ème RI de Ligne à cet endroit.
La guerre de 1870
Le 2 août 1870, au moment où commence la campagne contre la Prusse, Eugène Jamais vient d'être promu Lieutenant Colonel Major au 66ème de Ligne et à ce titre il faisait partie des troupes qui combattirent autour de Paris lors du siège de l'hiver 70-71. Il participa aux contre-offensives dans la banlieue Nord de la capitale, à Saint Denis, Villetaneuse puis Le Bourget, mais aucune des tentatives françaises ne put modifier la situation militaire.
Les hostilité s'arrêtèrent en févier 1871. Il avait quitté Paris lorsque commença l'insurrection de la Commune et que son malheureux cousin issu de germain le Général Claude Martin Lecomte fut exécuté par les Parisiens le 18 mars 1871. Envoyé à Chartres puis à Nantes, il ne faisait pas partie des troupes des Versaillais qui donnèrent assaut à la capitale au printemps 1871.
Fait prisonnier au début de la guerre, son frère François passa près d'un an à Stettin sur la Baltique.
10 mai 1871. Pour ce soldat, lorrain de surcroît, qui combattit avec vaillance durant cette guerre, le Traité de Francfort dut être un véritable crève-coeur. L'Alsace et la Moselle étaient annexées, Metz allait devenir allemande. Les trois frères, les deux militaires et Alexandre le charcutier-traiteur optèrent pour la France et ne revirent plus jamais leur ville natale.
La campagne de Tunisie
Il avait demandé à retourner en Algérie, mais il fut envoyé en Tunisie en 1881. Arrêtons nous quelques instants sur la personnalité d'Eugène, promu Colonel en 1875.
"Très vigoureux au physique, d'une moralité irréprochable, intelligent, actif, très bon chef de corps, d'extérieur attirant, doué de grandes qualités, instruit, sait allier la bienveillance à la fermeté" dit le rapport de ses supérieurs en 1876... Le voici photographié à la fin de sa carrière, couvert de médailles.
le Général Jamais |
Eugène fut envoyé à Sfax, Gabès, Djerba puis dans la montagne des Kroumir. En récompense de ses faits d'armes, il fut élevé au grade de général de brigade en décembre 1881.
La campagne du Tonkin.
En Indochine la France avait déjà pris possession du Cambodge et de la Cochinchine (au Sud du Vietnam actuel). Comme en Afrique du Nord, l'arrivée des républicains au pouvoir en France avait marqué l'inauguration d'une nouvelle politique, plus conquérante. Mais ici les choses ne furent ni simples ni rapides. Après deux années de combats, ni le centre (Annam) ni le nord n'étaient pacifiés.
En avril 1885 Eugène fut envoyé au Tonkin pour pacifier le delta du Fleuve Rouge et occuper tout le Tonkin de l'intérieur jusqu'à la frontière chinoise. Pendant ce séjour au Tonkin il prit de notes pour rédiger un court ouvrage de description de la région du Fleuve Rouge, édité par une société de géographie de Toulouse. Il dit que l'intérieur du Tonkin est peuplé de populations "sauvages". Il s'agissait de décrire le pays et les habitants pour combler les vides sur les cartes et les livres de géographie. On sent le militaire. Le livre est bref, divisé en paragraphes concis : le climat, la race annamite, gouvernement, religion, moeurs, agriculture et produits divers.
La pacification n'était pas terminée lorsque le Général fut rappelé en France en décembre 1886. Désormais et jusqu'à se retraite en 1893 il occupa des fonctions de gouvernement de subdivisions militaires près de Nice et en Normandie.
Puis il se retira à Boissettes en Seine et Marne, près de son frère Alexandre et de ses neveux. Il est mort en 1911.
* Pour réaliser cette brève biographie, en dehors de souvenirs conservés dans la famille, je me suis servi de l'ouvrage de P. Branne, la Moselle et ses soldats, Ed Serpenoise 1999.
* Comme je n'avais jamais osé m'y rendre, c'était l'occasion : je suis allée à Vincennes et j'ai consulté les dossiers des militaires Jamais. A l'époque c'étaient encore les militaires du contingent qui nous apportaient les liasses.
* Puis, comme on ne détenait que la moitié de la brochure d'Eugène sur le Tonkin, j'ai aussi visité la salle de lecture de la Bibliothèque François Mitterrand, et j'ai pu obtenir ce que je cherchais.
* Et un bon vieux Malet-Isaac classes termianles
Bonjour, Le général Jamais est mentionné à plusieurs reprises dans un livre que je viens de publier, _Henri Vever, champion de l'Art nouveau._ Mon livre est une édition du journal intime du bijoutier et collectionneur Henri Vever pour l'année 1898. Messin, Vever a dû connaître Jamais de leur ville natale commune. Je serais heureuse de partager ces références avec vous et de vous poser qqs questions. Pourriez-vous me contacter (willazahava1@gmail.com ou bien wzs1@psu.edu). Bien à vous, Willa Silverman/Prof. d'études françaises/Penn State University/University Park, PA USA
RépondreSupprimerBonjour Monsieur
RépondreSupprimerL'été étant consacré aux petits enfants, je n'ai pas beaucoup travaillé la généalogie depuis quelques mois, mais je répondrai volontiers à vos questions dans la mesure du possible.
Cordialement
A-M Jamais