C'est une brochure d'une quarantaine de pages, qui comprend
* des renseignements sur les spectacles de la troupe des Ballets russes
* des photos d'artistes comme ici Nijinski
* de très belles reproductions d'aquarelles de Léon Bakst, comme cette Nymphe du "Prélude à l'après midi d'un faune"
* et des photos publicitaires montrant des actrices ou des élégantes portant des robes et manteaux des maisons de couture parisiennes.
Or en y
réfléchissant, on peut trouver étrange que Maria, qui faisait partie d'une famille de paysans
bretons plutôt pauvres ayant émigré vers la capitale au tout début du XXe
siècle, ait assisté à pareil spectacle. Certes ce n'était pas encore le
"Sacre du Printemps" qui fit scandale au Théâtre des Champs Elysées l'année
suivante, mais tout de même : les Ballets russes, avec Nijinski et des artistes
des Théâtres impériaux, des musiques de Stravinsky, Debussy, Rimsky Korsakov,
ça devait décoiffer tout de même un peu non ? Sans compter le prix de la place,
qu'on imagine difficilement abordable pour des gens modestes. C'est là qu'il
faut donner quelques explications, car derrière la banalité du parcours de ces
familles bretonnes se cachent parfois des aventures singulières.
Celle de la
famille Trumel a commencé lorsque Jean, l'aîné, fut envoyé chez les Pompiers de
Paris, pour "faire son régiment". Entre autres exercices il fut
souvent désigné "pompier de service" dans les salles de spectacle parisiennes
et prit goût à ces divertissements auxquels sa vie précédente ne l'avait pas
habitué. À la fin de son service au lieu de retourner vers sa Haute Bretagne natale,
il se fit embaucher comme cocher chez Dufayel et quelque temps plus tard le
reste de la famille débarqua à son tour gare Montparnasse.
Après deux
ou trois années de galère, la situation s'est améliorée grâce au courage et à
l'entraide familiale. Tous ont trouvé du travail, les garçons employés de
commerce et Maria la seule fille comme "petite main" dans une maison
de couture parisienne.
Mais
revenons à nos Ballets Russes. Vous aurez compris que Jean fit partager à ses
frères et sœur son goût pour les spectacles parisiens. Peut être ses copains
pompiers lui donnaient-ils quelques places de temps en temps pour aller voir
des pièces de théâtre sur les Grands Boulevards. Mais de là à prendre un billet
pour voir les Ballets Russes … ?
Il faut
imaginer Maria dans la maison de couture. Laquelle ? Je ne sais malheureusement
pas. J'ai beaucoup regretté de ne pas l'avoir questionnée sur ces années
parisiennes. Pourtant je faisais des études d'histoire. Mais d'Histoire avec
une majuscule, ce n'est pas la même chose que les petites histoires de famille.
Il faut donc imaginer, à partir de ce que je sais : dans l'atelier de couture, les filles ont appris qu'une des robes sur laquelle elles ont travaillé figure dans le programme d'un spectacle de danse. Celle qui l'a vu ne peut être que Jeanne, une amie de Maria, Jeanne, une belle fille, cultivée, qui veut réussir dans la vie, qui connaît beaucoup de choses sur la vie parisienne et qui sort beaucoup.
Maria Trumel lorsqu'elle travaillait à Paris |
Il faut donc imaginer, à partir de ce que je sais : dans l'atelier de couture, les filles ont appris qu'une des robes sur laquelle elles ont travaillé figure dans le programme d'un spectacle de danse. Celle qui l'a vu ne peut être que Jeanne, une amie de Maria, Jeanne, une belle fille, cultivée, qui veut réussir dans la vie, qui connaît beaucoup de choses sur la vie parisienne et qui sort beaucoup.
Maria est
sage. En 1911 elle a 25 ans, et le 25 novembre de cette année là elle aurait dû
coiffer Sainte Catherine comme c'était la tradition dans les métiers de la
couture. Elle s'est mariée le 4 novembre, quelques jours avant. Son mari est comptable
au Comptoir Céramique et leurs salaires ne sont donc pas très élevés mais Gabriel
voit bien que sa "Baruchette" comme il l'appelait, serait si heureuse
d'aller voir ce spectacle que Jeanne leur a vanté ! Ils décident donc de casser
leur tirelire pour prendre des billets, et bien sûr aussi le programme de la
7ème année des Ballets russes.
J'ai
reproduit une des toilettes au hasard, ne sachant pas sur laquelle Maria avait travaillé de
longues heures.
Voir Nijinski !!! Cela me fait rêver ! Quelle chance d'avoir gardé cette brochure et merci de nous la faire partager!
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