Carte de Lourdes écrite en 1924 |
Parmi les nombreuses cartes postales conservées dans la
famille, tant du côté lorrain que du côté breton, j'ai constaté un très grand
nombre de cartes en provenance de Lourdes. Des années vingt aux années
cinquante, une vingtaine de cartes chez les Schiltz, un peu moins du côté
Trumel, car les mécréants y furent plus nombreux.
Pourquoi ce pèlerinage eut-il autant de succès pendant
plus d'un siècle ?
Rappelons rapidement les faits :
* 1858, entre
février et juillet, premières apparitions à la grotte de Massabielle racontées
par Bernadette Soubirous.
* 1862,
reconnaissance par l'Eglise de l'authenticité des apparitions.
* 1864, premier
pèlerinage régional à l'occasion de l'inauguration de la statue de N-D à la
grotte.
* 1867, arrivée
des trains en provenance de Bayonne puis de Toulouse. On allait à Compostelle à
pied, on ira désormais à Lourdes en chemin de fer. Le succès des pèlerinages est
contemporain de l'achèvement du réseau ferré sous le Second empire.
* 1873, premier
pèlerinage national organisé depuis Paris. La défaite de 1870, la Commune, l'instauration
de la République, la prise de Rome par les troupes du royaume d'Italie, autant
de faits qui ont traumatisé les catholiques de France. Le pèlerinage à Lourdes
prend rapidement aussi des allures de campagne en faveur de la restauration monarchique.
* 1876
consécration de la 1ère basilique, celle de l'Immaculée Conception.
Les deux basiliques sur une carte de 1925 coloriée |
* 1882, mise en
place d'un bureau des constatations légales pour vérifier l'aspect miraculeux
des guérisons, car au début rappelle Zola venu en sceptique sur les lieux dans
ces années là, les miracles allaient bon train étant donné la minceur ou
l'absence des dossiers médicaux.
La congrégation des Assomptionnistes prend en main le
transport et l'hébergement des malades ainsi que leur accompagnement par des
bénévoles.
* 1901
consécration de la 2ème basilique, Notre-Dame du Rosaire, au pied de
la 1ère.
* Le nombre de
pèlerins ne cesse d'augmenter : un million de pèlerins en 1908, année du
cinquantenaire, en 1958, année du centenaire, cinq millions.
... et je ne parle pas du pèlerinage moderne après cette date
... et je ne parle pas du pèlerinage moderne après cette date
Bons baisers de
Lourdes
* Le premier
pèlerinage dont on ait gardé la trace dans la famille fut celui de la Mère Julie (voir l'article sur Cicé)
à une date inconnue, mais vraisemblablement avant 1884, date à partir de
laquelle elle prit ma grand-mère en pension chez elle. Peut être même fit-elle ce long voyage en compagnie de son dernier fils,
Isidore, Frère Charles Marie chez les Frères de St Jean Baptiste de la Salle, qui
n'affichait pas des idées franchement républicaines. Quoi qu'il en soit, elle
avait légué à sa petite fille Anne-Marie Simonneaux ma grand-mère, la statuette
en verre qu'elle avait rapportée de Lourdes. Je n'ai jamais vu de statue de ce genre. Le noyau central est en métal (de l'argent disait ma grand mère ?), recouvert de verre moulé et peint au niveau du visage et des mains seulement.
Statue rapportée de Lourdes par ma grand-mère trisaïeule |
* Avec l'avènement
de la carte postale, nous avons des témoignages plus précis datant
principalement des années vingt. Marie
Arnould, la grand-mère de mon père y est allée quatre fois entre 1923 et 1928,
en compagnie de sa fille, sa petite-fille, ou d'une cousine. Combien de temps
pouvait durer le voyage de Hayange en Moselle jusqu'aux Pyrénées ? En tout cas
elles n'oubliaient pas de faire un peu de tourisme dans la région, Luz-Saint-Sauveur
et le cirque de Gavarnie.
Quant elles ne passaient pas par Lisieux !
Lorraine-Normandie-Pyrénées… quel périple !
* La fréquence
est la même dans les années trente. Notre
tante Gaby a reçu une carte d'une amie de pension "qui prie pour obtenir prompte guérison"
lorsqu'elle fut gravement malade en 1930. Elle s'y rend à son tour avec son
père en 1934, après un passage sur la Côte d'Azur et à Toulouse.
De ces années plusieurs cartes aux signatures illisibles
destinées à mon grand père. Des amis, des parents, des collègues ? La
législation en vigueur à cette époque permettait de mettre un timbre moins cher
si on n'écrivait que cinq mots, du style laconique "Bons baisers de
Lourdes".
* Après 1945 et
jusqu'aux années cinquante, il semble que chaque personne y soit allée une fois
et non plusieurs comme c'était le cas auparavant. Certains participaient à des
pèlerinage organisés par la paroisse, comme le Sacré Cœur de Nancy pour ma grand-mère,
ou, plus grandioses, par le diocèse, évêque en tête.
Exportation de N-D de Lourdes
Les Assomptionnistes, qui s'occupaient des pèlerinages, nous
l'avons dit, souhaitaient développer le culte de N-D de Lourdes ailleurs que
dans les Pyrénées Les églises sur le modèle de la basilique se multiplièrent un
peu partout ainsi que les fausses grottes qui abritaient la Vierge à ceinture
bleue, avec ou sans Bernadette.
Voici la photo de la classe de ma grand-mère Jeanne Léglise à Peltre près
de Metz, vers 1890-91. La fausse grotte et la statue de la Vierge existaient encore dans le jardin du pensionnat
lorsque j'y suis allée avec mon père en 2003.
Fausse grotte en béton et statue immaculée, nous avons connu
cela aussi, derrière l'église de notre enfance. A partir de 1950 nous avons vécu
sept ans rue N-D de Lourdes, puis sans quitter le quartier, six ans encore juste
devant l'église. Pas besoin de montre ni de pendule : chaque quart d'heure
était annoncé : Trois fois ding-dong, il est déjà "et quart", c'est
l'heure de partir à l'école. Et de ce qui se passait à l'église, rien ne nous
échappait : les mariages, les enterrements, les messes du dimanche, les grandes
fêtes avec le gros bourdon, l'angélus et le carillon qui jouait l'air de "Ave
Maria"… Autant d'occasions de faire retentir une ou plusieurs cloches. Loin
d'être dérangeants, leurs tintements ont bercé notre enfance.
Cette basilique copie conforme de celle de Lourdes avait été
commencée en 1909. Interrompue pendant la guerre de 14-18, la construction
reprit dans les années vingt. La consécration de l'église date de 1924, mais le
clocher ne fut terminé qu'en 1931. Nous avons habité avenue du Général Leclerc, sur la gauche, à quelques maisons de là.
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