lundi 30 juin 2014

#challenge AZ - Z comme Zélonie

 Zélonie Cailleau
Une vieille dame qui regarde par dessus le cactus


          Un portrait  de femme de la campagne, une "Vie minuscule" de paysanne du Poitou, mais une héroïne du quotidien, une "Mère courage" comme tant d'autres qui n'ont pas croisé le Brecht local et ne sont jamais devenues des héroïnes de littérature. 

          Encore moins que les hommes, ces femmes du peuple n'ont guère laissé de traces. Trois actes sur les registres dont son acte de mariage comportant sa signature. A cette exception près, les femmes sont absentes des registres d'état civil, elles ne déclarent aucune naissance ni décès à la mairie.
Signature de Zélonie Cailleau le jour de son mariage le 15 février 1882

         L'ancien régime pouvait faire signer la marraine ou la sage-femme, du moins quand elle savait le faire, ou mentionnait la présence de la mère du marié le jour de la noce. Mais après la laïcisation  de l'état civil et le Code Napoléon… plus grand-chose à se mettre sous la dent. Un nom dans une colonne des recensements de la fin du XIXe - début XXe siècle. Pas de service militaire bien sûr ; malgré tout le mal qu'on peut en dire, la conscription obligatoire est une source non négligeable d'informations sur nos messieurs.  
        Il reste les photos conservées dans la famille : on la voit sur deux photos de mariage de ses enfants, et trois autres lorsqu'elle est plus âgée. Sur les plus anciennes elle porte encore la coiffe d'Airvault avec son grand noeud  de dentelle blanche.

En1908 au mariage de sa fille aînée
En 1909 au mariage de son fils


En 1933, au mariage de sa petite-fille

Devant la boutique de son fils, dans les années 30
           Voilà pour les traces matérielles.
Une chance tout de même : une très vieille dame m'a raconté les quelques souvenirs qu'elle avait gardés de Zélonie Cailleau sa grand-mère paternelle.
          Toute sa vie s'est déroulée entre deux villages, Saint-Chartres, dans la Vienne (aujourd'hui rattaché à Moncontour) où elle a passé sa jeunesse jusqu'à son mariage, et Borcq-sur-Airvault dans les Deux-Sèvres (aujourd'hui rattaché à Airvault). Ces deux petits villages,  situés de part et d'autre de la limite Vienne/Deux-Sèvres, sont distants de 7 km. Pourtant lorsque la jeune Zélonie quitta son village natal pour habiter à Borcq, elle trouva que le patois qu'on y parlait n'était le pas même que le sien...!  Elle eut tout le loisir d'apprendre les subtiles variantes du patois airvaudais puisqu'elle passa plus de soixante ans à Bocq.

      **    Marie Florence Zélonie est née en 1860 dans une modeste famille de journaliers. On ne la connaît que sous le prénom de Zélonie. La question est que je n'ai pas trouvé grand chose sur l'origine de cet étrange prénom donné au XIXe siècle. Le dictionnaire des noms de baptême de 1863 ne le mentionne pas. Zélie est cité, mais sans explication. Le dictionnaire hagiographique de 1850 ne le connaît pas non plus. Je ne vois guère qu'une variante de Soline qui d'après le dictionnaire des Saints des "Petits Bollandistes" de 1876 est une sainte martyre du Poitou fêtée le 16 octobre. Merci Gallica. 
Si quelqu'un a une idée plus précise...

     **   Zélonie se marie à Saint Chartres en 1882 avec un jeune maçon Célestin Martin Piet. Sa signature au bas de l'acte montre une écriture mal assurée. Si elle a fréquenté l'école ce ne fut pas bien longtemps sans doute. 

            Le jeune couple avec ses deux premiers enfants habite encore chez les beaux-parents Piet comme on peut le voir sur les registres du recensement de 1886 à Borcq. Cinq ans plus tard on retrouve la famille dans une maison du quartier de la mairie. Célestin a pu acheter une petite maison de deux pièces, pas en très bon état. Mais grâce à ses compétences de maçon il  a entrepris de la rénover en y travaillant les dimanches. 

     **   La vie de Zélonie est rythmée pas ses grossesses successives. Trois enfants vivants pour quatre mis au monde, c'est la règle à cette époque. En 1892, elle est enceinte pour la cinquième fois, lorsque son mari  Célestin meurt à l'âge de 33 ans après avoir "attrapé un chaud et froid", laissant Zélonie avec trois enfants dont l'aîné n'a que 9 ans. 
Le petit dernier, né après la mort de son père n'a pas vécu plus de quelques jours. 

     **   Zélonie se retrouve seule à 32 ans. Sans ressources si ce n'est la petite maison tout juste rénovée et située près de l'école, et un jardin potager à la sortie du village. Tout le reste de sa vie, elle a gagné sa croûte en se faisant embaucher pour les lessives dans les familles du village. A cette époque, la lessive qui se faisait une fois l'an, était une vaste tâche que l'on effectuait avec l'aide de plusieurs femmes embauchées pour transporter, battre et rincer, au lavoir, ou au ruisseau tout le linge de la famille, et faire sécher le tout sur les prés.
          Pour mettre un peu de beurre dans les mojettes, elle avait l'habitude de se proposer pour servir aux tables de noce, un beau tablier blanc brodé passé sur sa robe de veuve.
Le jardin fournissait la base de la nourriture quotidienne pour les quatre personnes de la famille. 

     **   Ses trois enfants se sont mariés en 1908 et 1909. Seule sa dernière fille Jeanne a habité Borcq après son mariage. Comme sa mère, celle-ci est s'est retrouvée veuve en 1918 quand son mari Prosper Boullin est mort en Serbie à la fin de la guerre.
Zélonie est morte dans sa petite maison de Borcq en 1947 à l'âge de 87 ans. 
"A la fin de sa vie, quand j'ai eu mon premier enfant en 45, elle m'a donné son beau tablier de serveuse en me disant que je devait en faire des langes pour mes enfants parce que ça leur porterait bonheur" me dit Grand-Mamy d'Airvault, alias Anne-Marie Piet ou Madame Quintard pour l'état civil.
 

Et voici pour finir le battoir de lavandière conservé dans la famille. Est-ce vraiment avec celui-ci que Zélonie battait le linge ? C'est possible. Ou celui d'une autre Mamie. Dommage qu'on n'ait pas conservé les chansons qui allaient avec. 

















3 commentaires:

  1. Merci Anne-Marie pour votre première participation. J'ai beaucoup aimé me promener dans votre histoire familiale égrenée au fil de cet alphabet.

    RépondreSupprimer
  2. J'aime beaucoup les billets qui retracent ce que vous appelez "les vies minuscules" et qui peuplent nos arbres généalogiques. J'aime cette forme d'hommage à ces héroïnes du quotidien. Joli billet !
    Anne

    RépondreSupprimer
  3. J'aime les "vies minuscules". Peut-être parce que ce sont celles de la quasi totalité de mes ancêtres... J'aime aussi les outils d'autrefois, porteurs de petites histoires et témoins des activités de ces mêmes ancêtres. Le "battoir de lavandière" m'a fait penser au battoir et à la planche associée dont ma belle-mère se servait encore dans les années cinquante (et même soixante). Ces deux outils sont toujours dans mon bric-à-brac un peu hétéroclite. Cela me donne une idée pour un prochain article. Donc, un grand Merci.

    RépondreSupprimer