samedi 28 juin 2014

#challenge AZ - Y comme Yves




Yves vers 1980

          Yves Jamais avait plusieurs passions, comme la botanique, la visite des musées et des églises romanes, les sports… et j'en oublie, mais celle qui fut la plus précoce et la plus envahissante fut la généalogie. Le point commun entre tout cela était son insatiable curiosité et son goût des classements.
          Enfant déjà il avait entendu sa grand-mère parler de ses ascendants et cousins, il avait dressé des arbres de familles nobles, procédé à des classements de toute sorte. Jamais il ne s'est lassé de faire des listes de rois et de papes, de peintres, ou de joueurs de foot, de remplir des cahiers de définitions des termes d'architecture, ou des descendants de Saint Louis, de consulter les encyclopédies, des flores en quinze volumes et bien entendu les livres des généalogistes de la noblesse d'ancien régime.  
En train d'herboriser au milieu de la forêt

          Puis une fois mariés, alors que nos enfants étaient encore bien jeunes, mais heureusement confiés aux grands-parents compréhensifs, nous avons poussé la porte des archives départementales de la Moselle, encore situées dans le bâtiment de la préfecture, au centre de Metz. Et c'était parti pour une bonne trentaine d'année de recherches. J'ai déjà évoqué nos périples à travers la France dans l'un des premiers articles de ce blog, intitulé "les Archives à l'ancienne".


          Mais tandis que je poursuivais les recherches essentiellement dans les branches de la famille, y compris les pièces rapportées, Yves se consacrait aux familles de la noblesse européenne. Le fonds des bibliothèques municipales, soit à Niort, soit dans les villes visitées pendant les vacances comprenaient beaucoup d'ouvrages anciens dont j'ai retenu les noms : le Père Anselme, d'Hozier, La Reinais, de la Chesnaye, et la revue "Intermédiaire des chercheurs et curieux". Je dois en oublier.     
          Quand il n'avait pas assez de temps pour tout consulter sur place, il faisait des paquets de photocopies, et rapportait le tout à la maison. Puis un jour il s'est acheté la presque totalité des Mémoires de Saint-Simon pour en éplucher toutes les pages traitant de la généalogie. Tous les cahiers remplis, il dessinait des arbres sur des feuilles de papier dessin grand format, le plus souvent recto-verso. Il n'a jamais voulu s'initier à l'informatique qui commençait pourtant à se développer dans la généalogie à la fin des années 90. Il nous a quittés il y a dix ans maintenant, en janvier 2004.
           Un jour, quand j'aurai le temps, me dis-je, je mettrai enligne le résultat de ses recherches, mais une pile de feuilles de plus de 60cm de haut, cela m'effraie un peu, d'autant plus qu'il existe bien des sites comportant la généalogie des familles nobles de France ou d'Europe.

vendredi 27 juin 2014

#challenge AZ - X comme X la marque de la mariée

Pas le temps de chercher autre chose. Ce n'est guère original mais tant pis. 


          Au bas d'un acte de mariage seuls les hommes signent . Nous sommes à Hayange en Moselle en 1775.  Le marié et les témoins ont tous de belles signatures, attestant par là qu'ils savent lire et écrire. Seule la mariée trace une croix. L'éducation des femmes était encore loin du niveau de celle des hommes. 

          En Lorraine dit-on, plus tôt que dans d'autres provinces de l'ouest, l'apprentissage de la lecture dans les Petites Ecoles fut encouragé par l'Eglise catholique à cause de l'influence du protestantisme. 
          En effet pour que chacun puisse comprendre la Bible il ne suffisait pas de la traduire en langue vulgaire. Encore fallait-il donner aux fidèles de l'Eglise Réformée la possibilité de lire les textes directement. C'est pourquoi l'apprentissage de la lecture était développé parmi toutes les catégories sociales. De ce fait, les protestants critiquaient et se moquaient de l'ignorance des ouailles des villages catholiques. 

          Je ne sais si des statistiques ont été faites sur le sujet. La Lorraine a-t-elle vraiment été en avance et dans quelles proportions ? Mais j'ai un doute sur l'influence réelle du protestantisme :  Qu'en est -il des autres foyers de religion protestante en France, dans l'ouest, le Massif Central ? L'instruction donnée aux enfants a-t-elle fait tache d'huile en direction des catholiques ? 

Tiens j'ai un peu dévié de mon sujet



jeudi 26 juin 2014

#challenge AZ - W comme de Wendel

          Avant de faire la Une des journaux pour son naufrage industriel et ses déboires en tous genres, la ville de Hayange en Moselle était connue pour être le berceau des Forges de Wendel. Je ne vais pas ici raconter l'histoire de la famille de Wendel et celle des usines sidérurgiques qu'ils avaient créées depuis le XVIIIe siècle. J'ai lu plusieurs ouvrages sur la question, et ce sera l'objet d'articles plus développés. 
          Je voudrais seulement rappeler que de nombreuses familles comme la nôtre ont travaillé aux usines  pendant plusieurs générations, et que bien entendu toute leur vie en a été profondément marquée. 

Mon grand père Charles Schiltz qui avait le goût des listes et l'esprit de famille avait transcrit sur une feuille les informations dont il disposait sur l'histoire des trois générations qui l'avaient précédé.  

1. Jacques Cyprien Schiltz, né à Trieux (Met M) en 1785, menuisier, a été amené à Hayange par dame Joséphine Fischer de Dicourt lors de son mariage avec Nicolas François de Wendel en février 1804. Employé comme menuisier d'abord au château d'Hayange, ensuite comme modeleur aux hauts fourneaux, où il devint chef de la menuiserie.  
Retraité au 1er novembre 1864. 60 ans de service
Un modeleur est donc un menuisier qui fabrique des modèles en bois destinés à former une empreinte dans le moule (en sable par exemple) dans lequel la fonte en fusion sera versée.
Georges Schiltz 1819-1879

2. Georges Schiltz, fils du précédent, né à Hayange en 1819 fait deux années d'apprentissage chez Cavet à Paris, en 1839-40, puis revient en Lorraine en 1841. Menuisier lui aussi, il est envoyé au début de la construction à Stiring-Wendel, ville créée de toute pièce près de Forbach, au Nord de la Moselle. Il y devient chef de la menuiserie. Il meurt en janvier 1879. 38 ans de service
Charles Xavier Schiltz, 1844-1930

3. Charles Xavier Schiltz, fils du précédent, né à Hayange en 1844 débute au bureau de dessin des ateliers en 1861, à Hayange puis à Moyeuvre, à Seraing près de Liège entre 1868 et 1882, comme directeur du chemin de fer. Retraité au 1er janvier 1908. 47 ans de service
Charles Alexandre Schiltz, 1874-1947

4. Charles Alexandre Schiltz, fils du précédent, né à Seraing en 1874, débute en 1900 au bureau de dessin des ateliers à Hayange, puis à la fenderie où il sera chef du bureau d'études, jusqu'à sa retraite en 1935, anticipée pour cause de crise. 35 ans de service

Soit sur une période de 131 ans,  180 années  de travail cumulé par ces quatre hommes aux établissements de Wendel.

Mon père était bien parti pour être le suivant sur la liste, mais la guerre en a décidé autrement.

mercredi 25 juin 2014

#challenge AZ - V comme Vies



          Trois dates, un métier, une signature ou pas… la plupart de nos ancêtres se résument à ces maigres faits. Collectionneurs d'ancêtres soigneusement étiquetés d'un numéro Sosa, nous aimerions bien en savoir un peu plus sur leur cadre de vie, leurs coutumes et leur mentalité. Rarissimes témoignages directs de la vie du petit peuple de France et d'ailleurs, ces livres m'ont plongée dans l'univers tantôt familier tantôt étrange des paysans et artisans des XVIIIe et XIXe siècles.



          Je me suis composé un rayon de bibliothèque à partir de ces récits de vie ou mémoires de petites gens glanés au hasard des parutions et des brocantes. Existe-t-il des points communs entre ces auteurs ? Difficile à dire. Beaucoup ont voyagé, une ou plusieurs fois ou toute leur vie. Certains ont transgressé les barrières sociales



         **   Je ne fais que mentionner tant il est connu le Tableau de Paris de Sébastien Mercier, 1740-1814. C'est un incontournable pour la fin du XVIIIe siècle.


     **     Trouvé dans une brocante les Mémoires de Valentin Jamerey-Duval 1695-1775 (Ed le Sycomore).

Un parcours étonnant. Ces Mémoires ne furent pas publiées du vivant de l'auteur, mais connurent un grand succès au XIXe siècle seulement.

Fuyant les coups de son beau-père violent, un petit paysan illettré et misérable apprend à lire auprès de bergers, puis s'instruit au gré de ses rencontres en ingurgitant tous les ouvrages que le hasard place sur son chemin, religion, géographie, histoire romaine… il devient un des plus grands érudits de son temps et se fait remarquer  par le duc de Lorraine Léopold, puis par Marie-Thérèse d'Autriche qui l'emploient successivement à leur cour de Lunéville et de Vienne.



     **   Exactement contemporain de Louis Sébastien Mercier, Jacques Louis Ménétra (1738-1812) est un compagnon vitrier "Parisien le Bienvenue" (sic) qui raconte sa jeunesse et ses voyages de compagnon du Tour de France. La lecture est aisée malgré l'absence de ponctuation à laquelle Daniel Roche remédie en laissant des intervalles. De nombreuses notes expliquent les tournures de phrases et allusions étranges de cet homme du peuple. Le Journal de ma vie est publié chez Albin Michel.


    **   Moins connu que les précédents, Louis Simon (1741-1820) est un artisan étaminier qui passa sa vie dans un village du Maine (Sarthe). Instruit par son père, Louis Simon a rédigé un texte étonnant : ses amours contrariées, son voyage, les violences et nouveautés de la révolution sont consignées dans 96 pages d'un vieux livre de compte qu'Anne Fillon a passé au crible de l'historien. Le texte et le commentaire sont passionnants. (Ed Ouest-France)
  
   **   Certes Athénaïs Mialaret (1826- 1899) devenue  la seconde Madame Michelet n'est pas une femme du peuple. Mais son livre évoque ce qu'il est très difficile de percevoir dans ce siècle : la condition enfantine. Plus prolixe que George Sand sur la question, loin des livres de la Comtesse de Ségur, Athénaïs raconte ses souvenirs, ses rêveries, ses émotions d'enfant solitaire. Mémoires d'une enfant aux éditions Mercure de France - Le Temps retrouvé.


 **  Un incontournable de la biographie populaire du XIXe siècle, Mémoires d'un compagnon par Agricol Perdiguier (1805-1875), Imprimerie Nationale - Acteurs de l'Histoire. Récit de la jeunesse et des voyages d'un compagnon menuisier qui, au départ sait tout juste lire et écrire, mais qui s'instruit et fréquente les grands auteurs de son époque. "Avignonnais la Vertu" cherche à réconcilier Devoirants et Gavots, les sociétés de compagnonnage ennemies. Dans un siècle aux nombreux revirements politiques, il s'engage pour l'avènement de la République.

   **   Quand j'ai montré ce livre à ma très catholique mère, elle en fut un peu choquée. Comment un Breton pouvait-il être aussi violemment antireligieux ? C'est qu'il n'est pas tendre avec les prêtres ni avec Jésus notre paysan Bas-Breton. Jean Marie Déguignet (1834-1905), dont le premier métier était mendiant, apprend seul la lecture, le français et le latin, s'engage dans l'armée et participe aux campagnes du second Empire. De retour en Bretagne, il
 exerce plusieurs métiers, et finit dans la misère. Mémoires d'un paysan Bas-Breton, Ed AnHere








  **   Ce n'est pas un récit autobiographique, mais Rétif de la Bretonne retrace la vie d'Edme Rétif son père, un paysan bourguignon au XVIIIe siècle. Même si la campagne est vue de façon idyllique, les détails de la vie quotidienne, les remarques sur les mentalités, la famille, par exemple sont des renseignements précieux. 

mardi 24 juin 2014

#challenge AZ - U comme Usurpation d'identité



La famille Michon

          Il était une fois la famille Michon. La première sur laquelle j'entrepris des recherches était Marie Françoise, née 38 rue Mouffetard à Paris, le 9 août 1870. Autrement dit, les fées gentilles avaient oublié de passer près de son berceau. Car naître à cette date et en ce lieu ne fut assurément pas un cadeau du ciel. Comme chacun sait, l'année qui suivit fut pour la France et plus particulièrement pour Paris l'année de tous les malheurs : le siège de la capitale par les Prussiens durant le terrible hiver 1870-71, puis l'insurrection de la Commune et sa répression par les troupes du gouvernement de Versailles. Les Michon étaient de petites gens. Le père était cordonnier et la mère piqueuse de bottines. Marie Françoise était leur cinquième enfant. Ils ne purent certainement pas quitter Paris pendant ces tristes événements, et subirent la faim, le froid et les violences des deux sièges.

          Les parents, le fils aîné, et la petite Marie Françoise au moins, sinon les trois autres enfants dont je n'ai plus trouvé trace, survécurent à ces épreuves. Ce qui est en soi déjà un exploit, mais le plus extraordinaire n'est pas là.

Michon Bonnois

Son père Maurice Léopold Michon ne s'est pas appelé Michon pendant les 28 premières années de sa vie, mais portait un autre patronyme. C'est ce que j'ai découvert en cherchant son acte de naissance en 1838.  
Et non pas en raison d'une adoption ni d'une reconnaissance tardive comme c'est souvent le cas.

 D'après son acte de mariage il était né à Nancy le 24 avril 1838. Or au lieu de l'acte attendu voici ce que j'ai trouvé :
" L'an 1838, le 24 avril à 2 h l'après midi, par devant nous Jacques François Viller, adjoint au maire de la ville de Nancy, est comparu Maurice Bonnois, âgé de 24 ans natif de Pierre-Chatel, arrondissement de Grenoble département de l'Isère, militaire au 15e régiment de ligne en garnison à Nancy, fils de défunt Maurice Bonnois et de Marie Michon son épouse, lequel nous a déclaré que aujourd'hui à 7 heures du matin Jeanne Jardin âgée de 19 ans native de Xeuilley département de la Meurthe, brodeuse demeurant en cette ville de Nancy rue de la Source n° 12 fille de défunt Nicolas Jardin et de Marguerite Pierron, son épouse ; est accouchée en son domicile d'un enfant de sexe masculin qu'il nous a présenté et a déclaré provenir de ses œuvres, le reconnaître pour son enfant et lui donner les prénoms et nom de Maurice Léopold Bonnois, lesquelles déclaration et présentation faites en présence des sieurs Jean Julien Guilbaud âgé de 27 ans, boulanger et Louis Clément Bender, 25 ans, journalier, tous deux domiciliés en cette ville ".
Signatures de Maurice Bonnois, et les témoins.

Mention marginale :
 " Le maire de la ville de Nancy certifie que par jugement du tribunal civil de 1ère instance du second arrondissement de la Meurthe, en date du 25 avril 1866, il a été ordonné que l'acte de naissance ci contre serait rectifié en ce sens qu'aux nom et prénom de Bonnois (Maurice) seraient substitués ceux de Michon Pierre ".
Nancy le 4 mai 1866. Signé D Romer, adjoint.
???

Bonnois Michon

          Que le sieur Maurice Bonnois, militaire de son état vienne lui-même déclarer une naissance illégitime… cela rendrait le personnage plutôt sympathique, puisque la règle en ces temps misogynes était de laisser la fille-mère se débrouiller seule avec le fruit de son péché. Mais quel imbroglio de noms !

           Grâce à Internet je poursuivis mes recherches en Isère pour trouver effectivement la naissance d'un Pierre Michon, fils naturel :

" L'an 1813 le 10 octobre devant nous...maire de Pierre-Châtel est comparue Madeleine Richard mazet, âgée de 48 ans domiciliée à Pierre-Châtel, laquelle nous a déclaré que ce jour d'hui à 10 heures du matin, est né un enfant du sexe masculin qu'elle nous a dit étant né de Marie Michon, âgée de 25 ans domiciliée à Pierre-Châtel et en la maison d'habitation de Mr Segond, et vouloir donner le prénom de Pierre. La présente déclaration et présentation faite en présence de Pierre Berthier basinon âgé de 52 ans propriétaire à Pierre-Châtel et...   
... Maurice Bonnois âgé de 34 ans domicilié à Senigond hameau de cette commune et ont les témoins signé avec moi le présent acte de naissance."

          Que penser de cette histoire ?
Que le jeune Pierre Michon a usurpé le nom et le prénom de celui qui signa comme témoin son acte de naissance. Etait-il son père ? Fut-il seulement son parrain ? Rien ne permet de le dire.  
          Maurice Bonnois (le vrai) mourut célibataire à Pierre-Châtel le 26 janvier 1824 à l'âge de 45 ans.

           Qui a imaginé cette substitution de noms ? La mère ? Pour se construire une honorabilité de femme mariée ? Ou le fils, qui a dû souffrir de sa bâtardise. Ce qui expliquerait d'ailleurs son attitude lors de la naissance de son fils en 1838 : reconnaissance de l'enfant pour que celui-ci porte le nom du père mais pas de mariage ni avant ni après, car il aurait fallu produire l'acte de naissance, et donc dévoiler l'usurpation de nom.
Pourtant le pot aux roses fut bien découvert (voir la mention de mai 1866). Cette date correspond au mariage de son fils Maurice Léopold.
Mais notre Pierre Michon (le faux Maurice Bonnois) devait avoir repris son vrai nom bien avant, car devenu brocanteur à Paris, il se maria pour de bon cette fois (mais pas trouvé ni lieu ni date) avec Agnès Fontange dont il eut deux autres fils déclarés sous le nom de Michon, en 1852 et 1856. Il mourut en 1877.

           Quant à la pauvre Jeanne Jardin sa première compagne, elle mourut à Paris en 1846. Elle n'avait que 30 ans. Mais l'état civil reconstitué de Paris est bien sommaire. L'arrondissement n'est même pas mentionné.

Conclusion : La prochaine fois que je me rendrai à Nancy, j'irai fouiller dans les registres du tribunal civil de la Meurthe. Peut être en saurai-je davantage. Mais la clé se trouve peut être en Isère, chez un notaire du côté de Pierre-Châtel ? 

Pour vous aider voici un tableau simplifié de la branche Michon (Bonnois)