vendredi 6 juin 2014

#challenge AZ - F comme Famille dans la boîte




 
          Une famille réunie dans le jardin de la maison le temps d'une photographie au cours de l'année 1892. La date exacte et les circonstances de cette photo ne sont pas connues, mais tous les personnages peuvent être identifiés : quatre adultes et six enfants de la famille Léglise-Arnould.

         ** La première, assise à gauche, c'est Marie Arnould, la mère de cette famille nombreuse. Elles est alors âgée de 39 ans, et mariée depuis vingt ans à Charles Joseph Léglise. Vêtue d'une robe sombre, taillée dans un tissu rayé aux reflets soyeux elle tient négligemment une grosse chaîne, celle de sa montre peut être, cachée dans une pochette de son corsage à petits plis. Un demi sourire à ses lèvres, elle semble afficher un bonheur tranquille. 


      **   A côté d'elle son père Jean-Pierre Arnould, 67 ans, contremaître aux forges d'Hayange. Avez-vous remarqué ? L'arc tombant de sa bouche est exactement celui du petit bonhomme jaune pas content. Ça lui donne l'air pas commode. Mais qui sait ? on ne peut déduire un caractère d'un simple détail physique.


     **    La dame qui porte la coiffe Lorraine de l'époque, c'est sa femme, Marguerite Hym. Comme sa fille elle tient ses poings fermés sur ses genoux. Une attitude un peu crispée qui peut s'expliquer par l'importance de l'événement qu'ils sont en train de vivre : poser devant la grosse boîte d'un photographe. Cette photo est la seule où figurent les parents Arnould, du moins à ma connaissance. Pour la circonstance, elle a mis sa coiffe du dimanche, faite de dentelles et de rubans, tenue sous le menton par un grand nœud blanc.

     **    A sa gauche son gendre Charles Joseph Léglise âgé de 47 ans, qui arbore le même demi sourire que son épouse Marie. Leur commerce, situé en plein centre d'Hayange leur assure prospérité et respectabilité. La famille se porte bien. Certes dans l'année qui a précédé cette photo, ils ont perdu Henriette, une petite fille de 2 ans, mais voilà que Marie est encore une fois enceinte. Une dernière fille Marguerite naîtra à l'automne 1892. 





   **     Les enfants Léglise sont rangés par taille : les trois aînés debout derrière. Paul est âgé de 18 ans, c'est vrai il semble plus jeune. A sa gauche Maria, qui a deux ans de moins que lui, et à sa droite Jeanne (ma grand-mère) âgée de 13 ans. Les deux sœurs sont en pension à Peltre, près de Metz, mais pour Maria ce doit être la dernière année. Il ne faut pas trop instruire les filles si on veut les marier. Elles portent des robes de demoiselles, au corsage ajusté et agrémenté de sortes de clous dorés. Pour Maria, peut être s'agit-il du même tissu que pour la robe de sa mère.   

  

  **    Eulalie et Gabrielle sont les deux fillettes de 10 et 7 ans, vêtues de robes parfaitement identiques. La couleur sombre peu habituelle pour des enfants laisse supposer que la famille est en deuil, ce qui m'a permis de dater la photo du printemps 1892. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le dernier enfant, debout entre les jambes de son grand père est le petit Joseph, âgé de 4 ans. Car dans la petite enfance, garçons et filles portaient des robes, c'était plus commode.

          Le photographe convoqué ce jour là a sans doute contribué au placement des membres de la famille, et conseillé des gestes familiers pour éviter la raideur des poses que parents et enfants n'auraient pas manqué de montrer sans cela. Presque tous les enfants posent leurs mains sur l'un des adultes : Paul sur l'épaule de sa grand-mère, Jeanne et Eulalie sur celles de leur mère, Joseph sur les genoux de son grand père, et le papa tient la menotte de Gabrielle dans la sienne. Seule la grand-mère reste crispée, les poings serrés. Mais tous ont le regard fixé sur le gros rond noir par où le monsieur leur a dit que le petit oiseau allait sortir, avant de disparaître sous son voile noir.

          Que sont-ils devenus après ce moment paisible qui les a immortalisés? Destin hélas courant des enfants à cette époque sans antibiotiques ni BCG, les trois plus jeunes sont morts jeunes, Eulalie et Gabrielle dans leur 16ème année et Joseph à l'âge de 19 ans. Mais si les deux filles aînées ont pu se marier et fonder une famille, leur mort prématurée a privé de tendresse maternelle la famille de mon père et celle de ses cousins. Jeanne est morte à 39 ans, en 1918, et sa sœur Maria dix ans plus tard. Seuls l'aîné et la cadette ont dépassé l'âge de 60 ans. Lorsque Marie Arnould-Léglise s'est éteinte en 1926, elle avait vu disparaître son mari et cinq de ses huit enfants…

3 commentaires:

  1. Belle photo de cette famille au destin tragique ! excellent billet et plaisir de lecture. Bravo.

    RépondreSupprimer
  2. belle et émouvante lecture d'une photo de famille, la maman est une très jolie femme. Le papa à vraiment l'air d'une gentil papa et d'un bon mari. Malgré la mort prématurée de leur mère ces gens ont certainement eu une belle enfance.
    selma cayol

    RépondreSupprimer
  3. Très bel article ! C'est toujours très émouvant de voir une famille figée à un moment donné, et de connaître la suite de la vie de chaque des membres : leur séparation, leurs tristesses, et leurs joies.
    Merci pour ce partage.
    Elise

    RépondreSupprimer