samedi 29 novembre 2014

Un mariage des années trente

        Parmi les photos qu'on m'a confiées un jour pour illustrer l'arbre généalogique familial, figure cette photo de mariage que je trouve intéressante. 
Nous sommes en Lorraine, le vendredi 20 octobre 1933 chez le photographe Scherrer qui tient boutique à Toul. Le décor est conventionnel : on aime encore bien les tentures drapées et les moulures classiques à l'époque. Mais regardons les mariés : 




        Elle, c'est Thérèse. Elle a 25 ans. Une jeune fille plutôt grande et mince.
Elle s'est fait faire une splendide robe à la mode, et cela lui va plutôt bien car la silhouette en vogue dans les années trente est celle d'une femme élancée. Les robes sont droites et simples : à peine quelques petits volants sur les manches et quelques plis sur le buste. On est loin des rondeurs froufroutantes d'avant 1914. 
Quant à la coiffure, on reconnaît aussi la marque des "années folles" : des cheveux courts sous un chapeau cloche, ce qui faisait aux femmes une "petite tête". Le voile, léger lui aussi, est fixé au niveau de la nuque. Seule concession au genre pose-photo de mariage, le bouillonnement de tulle au premier plan.

        Lui c'est Gaston, il a 22 ans et c'est à coup sûr le plus beau des beaux gosses du village. Légèrement plus grand que sa fiancée, il se tient bien droit, campé sur ses deux jambes dans la position "repos" des militaires, les mains derrière le dos tenant les gants blancs. Gaston est un paysan, mais il porte son "costume de mariage" avec élégance.

        Comme ils sont debout côte à côte, il fallait trouver un moyen de rendre la pose moins guindée ; c'est le geste de la mariée qui enlève la raideur : Sa main droite, dont on n'aperçoit que deux doigts est posée sur l'épaule gauche de son fiancé, tandis que sa main gauche est posé sur l'échancrure du veston, comme si le photographe les avait surpris dans leur intimité :

Est-ce le geste de la future épouse surprise..."N'aie pas peur Thérèse, c'est juste le photographe !"
Est-ce le geste de la jeune épouse attentive : "Arrange ton col Gaston !"
Est-ce le geste de l'épouse possessive : "Il est à moi maintenant le Gaston, alors les filles, pas touche !

L'expression  des mariés d'avant 1914 était toujours sévère, voire crispée. Qui n'a pas, dans ses albums de famille des époux fixant l'objectif de la grosse boîte magique avec des yeux exorbités et fossilisés ... Surtout pas bouger ! 
Les visages des années trente sont plus détendus et souriants. La photo s'est banalisée depuis et les expressions semblent un peu plus joyeuses.

dimanche 9 novembre 2014

Déblocage


         Jusqu'au XIXe siècle, à quelques exceptions près, la grande majorité de nos ancêtres avaient le bon goût de nous faciliter la tâche en passant leur vie dans le même village ; et s'il manquait un mariage, il était bien rare de ne pas le dénicher dans l'un des villages d'alentour. Mais avec l'arrivée des transports en commun bon marché les choses sont souvent plus compliquées.
J'avais cherché des renseignements sur le bisaïeul de mon gendre, car la famille n'avait guère de renseignements sur le pauvre François Meyniel, mort pendant la Grande Guerre, laissant une veuve et trois enfants en bas âge. Après la guerre, sa femme s'était remariée, et la famille avait quitté Agen.  

        Pour ce qui concerne les trois dates de sa vie, ce fut un jeu d'enfant. Grâce au site "Mémoire des hommes" j'avais appris  :
- la date et le lieu de son décès, 1916 près de Verdun
- la date et le lieu de sa naissance, Aulnat (Puy de Dôme) en 1879
- et grâce aux mentions marginales sur l'acte de naissance je sus qu'il s'était marié à Bordeaux en 1905. Et justement j'habite à Bordeaux...

        Mais la tâche fut plus ardue lorsque je tentai d'en savoir davantage sur ses parents. 
- son père, Jean Meyniel, mentionné comme cultivateur ou marchand de bois à Aulnat, serait né vers 1855.
- mais l'identité de sa mère était plus incertaine. Le prénom était soit Jeanne soit Augustine, et le patronyme Malassin ou Malassagne, avec un ou deux S.
Bien entendu pas de trace de mariage ni de décès dans les tables de la commune d'Aulnat ou des environs.

        Les choses en restèrent là pendant plusieurs années. J'attendais qu'un internaute ou une association veuille bien mettre sur Généanet quelques bribes d'informations... mais rien de rien.

                                                                                  ***

        Je décidai il y a quelques semaines de tenter ma chance dans le département où les Meyniel semblaient les plus nombreux : le Cantal.
C'est là que je trouvai le petit coup de pouce qui me manquait. Faute de relevé systématique, les archives du Cantal proposent de chercher d'abord parmi les noms indexés sur le site. De nombreux patronymes sont ainsi répertoriés en face de chaque commune.
Merci aux Internautes qui ont participé à l'opération "indexation collaborative". Je n'ai pas manqué d'y contribuer à mon tour.

        Même si le miracle ne s'est pas produit (je n'ai pas vu s'afficher immédiatement le mariage Meyniel-Malassagne), un premier tri avait donc été fait.
Sur la page d'accueil des recherches en ligne, j'entrai directement MEYNIEL dans la case patronyme. Quelques dizaines de communes avaient des paroissiens de ce nom dans leurs registres. Un peu moins pour Malassagne. En recoupant les deux je trouvai un premier noyau centré sur la commune de Murat.

        Il ne me restait plus qu'à éplucher les tables du XIXe pour dénicher un mariage Meyniel-Malassagne. 
Bénis soient les ancêtres qui se sont mariés dans un village situé au début de l'alphabet : ils auraient pu convoler à Ussel ou à Virargues... Et dans ce cas, aurais-je eu assez de constance pour chercher jusqu'à à la fin de la liste ? 
Mais non je n'ai pas eu besoin de chercher très longtemps, puisque dès la lettre C, arrivée à Chalinargues... bonne pioche ! le mariage Meyniel-Malassagne s'affichait, le 27 juillet 1878. 



        La mariée se nommait donc Jeanne mais se faisait appeler et signait Justine. 
On voit que des signatures sont bien mal assurées, celles de la mariée particulièrement qui écrit Justine Maalbassags et celle du père du marié qui a oublié la première jambe du Y. 
L'école n'est pas encore obligatoire à cette époque.

lundi 21 juillet 2014

Nicolas Ameline, le Ligueur

          Au petit bonheur d'internet... qu'ai-je découvert ? Un Ligueur assassin, à son tour condamné à mort par pendaison, rien que cela. 

          Tout est parti d'une alerte de Généanet me signalant qu'on avait découvert pour moi de nouveaux ancêtres. Chic, des renseignements à vérifier, rien de plus excitant.
          Je plonge dans l'arbre de François de Surville qui donne effectivement des précisions concernant une certaine Anne Ameline et ses ascendants, branche sur laquelle mon mari n'avait pas trouvé grand chose. 
          Me voilà donc remontant dans cette famille de grands bourgeois de Paris, marchands-négociants et juristes, dont les noms se suivent pendant le cours du XVIIe siècle, jusqu'à Nicolas Ameline... mort exécuté en 1591 !! Une note de l'auteur François de Surville précise que c'est dans l'assassinat de Barnabé Brisson, président du Parlement de Paris que l'ancêtre Ligueur de mon mari avait trempé.
Barnabé Brisson, exécuté sans jugement par les "Seize" de la Ligue à Paris


          1591. Nous sommes en plein dans les guerres de religion. La Saint-Barthelémy n'était pas loin, l'assassinat de Henri III non plus, nous sommes donc au début très troublé du règne de Henri IV. Mais quoique historienne, je ne connaissais pas grand chose à l'histoire de la Très Sainte Ligue Catholique. Voilà donc l'occasion de s'y plonger. Pour en savoir davantage, je fais une recherche Google sur "Nicolas Ameline 1591", et je trouve les excellentes pages écrites par Gisèle Ollivier concernant cette famille parisienne.
          Elle précise que c'est grâce à l'ouvrage de Robert Descimon qu'elle a pu trouver les archives notariales intéressant ses ancêtres. Un beau travail de patience assurément.

          Nicolas Ameline était donc avocat au Parlement de Paris et ligueur enragé. Ses chefs l’employèrent à recruter des adeptes en parcourant la France sous divers déguisements. 
« Déguisé en cordelier, jésuite, homme de Cour ou marchand, il parcourt la Beauce, la Touraine, l’Anjou et le Maine. Dans l’entourage du roi, on le regardait comme le plus pernicieux de tous les ligueurs ». Citation faite par Gisèle Ollivier.

           Il fit partie du groupe des "Seize" ligueurs qui, estimant que le président Barnabé Brisson était favorable au parti du roi, le firent arrêter et exécuter sans jugement  ainsi que deux autres magistrats, le 15 novembre 1591. Nicolas Ameline compta parmi les quatre ligueurs choisis pour être pendus sur ordre du duc de Mayenne, pourtant chef de la Ligue, mais cherchant à en condamner les excès dans son propre intérêt.   

          Notre histoire familiale rencontre un peu la grande histoire, certes au prix d'une mort infamante. Mais cela m'a permis de faire un tour dans les pages du site familles parisiennes très précieux pour les recherches à Paris.

vendredi 4 juillet 2014

Que dire de ce mois de juin ?

       Que ce n'était pas le meilleur moment pour engager une course aux articles quotidiens.
Avec les beaux jours, les petits-enfants, la famille et les amis se rappellent à notre bon souvenir, les petits voyages, les spectacles de fin d'année et fêtes de tout poil s'alignent sur le calendrier...

        Et alors comment je fais avec le blog ? Au mois de février au moins, je n'aurais pas autant d'activités !
Je prépare à l'avance, certes, mais est-ce bien ce que j'avais envie de faire en créant ce site de généalogie ?
Je ne regrette pas de m'être lancée dans cette aventure, loin de là, mais je pense que je ne recommencerai pas. Certains articles m'ont semblé un peu rapidement bouclés. En fait je préfère les textes plus aboutis.
C'était d'autant plus compliqué que je ne maîtrise pas encore les techniques d'incorporation d'images.
Et puis je n'ai guère eu le temps de regarder du côté des autres blogs. Je vais donc me rattraper maintenant que l'actualité est plus calme.

lundi 30 juin 2014

#challenge AZ - Z comme Zélonie

 Zélonie Cailleau
Une vieille dame qui regarde par dessus le cactus


          Un portrait  de femme de la campagne, une "Vie minuscule" de paysanne du Poitou, mais une héroïne du quotidien, une "Mère courage" comme tant d'autres qui n'ont pas croisé le Brecht local et ne sont jamais devenues des héroïnes de littérature. 

          Encore moins que les hommes, ces femmes du peuple n'ont guère laissé de traces. Trois actes sur les registres dont son acte de mariage comportant sa signature. A cette exception près, les femmes sont absentes des registres d'état civil, elles ne déclarent aucune naissance ni décès à la mairie.
Signature de Zélonie Cailleau le jour de son mariage le 15 février 1882

         L'ancien régime pouvait faire signer la marraine ou la sage-femme, du moins quand elle savait le faire, ou mentionnait la présence de la mère du marié le jour de la noce. Mais après la laïcisation  de l'état civil et le Code Napoléon… plus grand-chose à se mettre sous la dent. Un nom dans une colonne des recensements de la fin du XIXe - début XXe siècle. Pas de service militaire bien sûr ; malgré tout le mal qu'on peut en dire, la conscription obligatoire est une source non négligeable d'informations sur nos messieurs.  
        Il reste les photos conservées dans la famille : on la voit sur deux photos de mariage de ses enfants, et trois autres lorsqu'elle est plus âgée. Sur les plus anciennes elle porte encore la coiffe d'Airvault avec son grand noeud  de dentelle blanche.

En1908 au mariage de sa fille aînée
En 1909 au mariage de son fils


En 1933, au mariage de sa petite-fille

Devant la boutique de son fils, dans les années 30
           Voilà pour les traces matérielles.
Une chance tout de même : une très vieille dame m'a raconté les quelques souvenirs qu'elle avait gardés de Zélonie Cailleau sa grand-mère paternelle.
          Toute sa vie s'est déroulée entre deux villages, Saint-Chartres, dans la Vienne (aujourd'hui rattaché à Moncontour) où elle a passé sa jeunesse jusqu'à son mariage, et Borcq-sur-Airvault dans les Deux-Sèvres (aujourd'hui rattaché à Airvault). Ces deux petits villages,  situés de part et d'autre de la limite Vienne/Deux-Sèvres, sont distants de 7 km. Pourtant lorsque la jeune Zélonie quitta son village natal pour habiter à Borcq, elle trouva que le patois qu'on y parlait n'était le pas même que le sien...!  Elle eut tout le loisir d'apprendre les subtiles variantes du patois airvaudais puisqu'elle passa plus de soixante ans à Bocq.

      **    Marie Florence Zélonie est née en 1860 dans une modeste famille de journaliers. On ne la connaît que sous le prénom de Zélonie. La question est que je n'ai pas trouvé grand chose sur l'origine de cet étrange prénom donné au XIXe siècle. Le dictionnaire des noms de baptême de 1863 ne le mentionne pas. Zélie est cité, mais sans explication. Le dictionnaire hagiographique de 1850 ne le connaît pas non plus. Je ne vois guère qu'une variante de Soline qui d'après le dictionnaire des Saints des "Petits Bollandistes" de 1876 est une sainte martyre du Poitou fêtée le 16 octobre. Merci Gallica. 
Si quelqu'un a une idée plus précise...

     **   Zélonie se marie à Saint Chartres en 1882 avec un jeune maçon Célestin Martin Piet. Sa signature au bas de l'acte montre une écriture mal assurée. Si elle a fréquenté l'école ce ne fut pas bien longtemps sans doute. 

            Le jeune couple avec ses deux premiers enfants habite encore chez les beaux-parents Piet comme on peut le voir sur les registres du recensement de 1886 à Borcq. Cinq ans plus tard on retrouve la famille dans une maison du quartier de la mairie. Célestin a pu acheter une petite maison de deux pièces, pas en très bon état. Mais grâce à ses compétences de maçon il  a entrepris de la rénover en y travaillant les dimanches. 

     **   La vie de Zélonie est rythmée pas ses grossesses successives. Trois enfants vivants pour quatre mis au monde, c'est la règle à cette époque. En 1892, elle est enceinte pour la cinquième fois, lorsque son mari  Célestin meurt à l'âge de 33 ans après avoir "attrapé un chaud et froid", laissant Zélonie avec trois enfants dont l'aîné n'a que 9 ans. 
Le petit dernier, né après la mort de son père n'a pas vécu plus de quelques jours. 

     **   Zélonie se retrouve seule à 32 ans. Sans ressources si ce n'est la petite maison tout juste rénovée et située près de l'école, et un jardin potager à la sortie du village. Tout le reste de sa vie, elle a gagné sa croûte en se faisant embaucher pour les lessives dans les familles du village. A cette époque, la lessive qui se faisait une fois l'an, était une vaste tâche que l'on effectuait avec l'aide de plusieurs femmes embauchées pour transporter, battre et rincer, au lavoir, ou au ruisseau tout le linge de la famille, et faire sécher le tout sur les prés.
          Pour mettre un peu de beurre dans les mojettes, elle avait l'habitude de se proposer pour servir aux tables de noce, un beau tablier blanc brodé passé sur sa robe de veuve.
Le jardin fournissait la base de la nourriture quotidienne pour les quatre personnes de la famille. 

     **   Ses trois enfants se sont mariés en 1908 et 1909. Seule sa dernière fille Jeanne a habité Borcq après son mariage. Comme sa mère, celle-ci est s'est retrouvée veuve en 1918 quand son mari Prosper Boullin est mort en Serbie à la fin de la guerre.
Zélonie est morte dans sa petite maison de Borcq en 1947 à l'âge de 87 ans. 
"A la fin de sa vie, quand j'ai eu mon premier enfant en 45, elle m'a donné son beau tablier de serveuse en me disant que je devait en faire des langes pour mes enfants parce que ça leur porterait bonheur" me dit Grand-Mamy d'Airvault, alias Anne-Marie Piet ou Madame Quintard pour l'état civil.
 

Et voici pour finir le battoir de lavandière conservé dans la famille. Est-ce vraiment avec celui-ci que Zélonie battait le linge ? C'est possible. Ou celui d'une autre Mamie. Dommage qu'on n'ait pas conservé les chansons qui allaient avec.